La violence conjugale : comment agir ? comment se soigner ?
La violence conjugale est un phénomène malheureusement courant (en Espagne des études ont été menées et ont conclu à un résultat édifiant : 1 homme sur 5 est violent), et pourtant, peu d’articles
traitent de ce qu’il faut faire concrètement, pour s’en sortir (que ce soit, pour la victime, ou pour le ‘bourreau’)
Tout d’abord, commençons par les fondamentaux :
La violence conjugale : pourquoi ? Comment est ce possible ? Que se passe t-il d’un point de vue
psychologique ?
Ce qui rend la violence conjugale possible, c’est :
- L’amalgame qui existe entre le sentiment d’amour et le sentiment d’appartenance
- Les ‘jeux psychologiques’ – le triangle de Karpman : ‘victime’ – ‘bourreau’ – ‘sauveteur’
- Le fait que certaines personnes sont ‘cablées’ cerveau droit plutôt que cerveau gauche
- Le fonctionnement de notre cerveau, qui a un effet lisseur, et qui ne fonctionne que par différentiel
Ce sont ces 4 ingrédients précisément qui vont rendre la violence conjugale possible.
Il est évident qu’aucun homme n’est suffisamment sadique (ou en tout cas c’est extrêmement rare) pour frapper une femme ‘gratuitement’ et prendre plaisir à le faire.
Alors.. regardons ce qu’il se passe dans chacun des cerveaux de notre couple, que nous appellerons
Kevin et Lilou. Nous utiliserons un langage clair, et compréhensible de tout le monde. Le but est que
chacun comprenne.
Dès son plus jeune âge, Lilou est dans une famille où le ‘fais plaisir’ et le ‘mais qu’as-tu encore fait’ règnent en maitre. « Lilou, fais moi plaisir, aide ton petit frere à faire ses devoirs s’il te plait », « Lilou,
mais c’est pas possible d’être godiche à ce point, je t’avais dit de nettoyer la cuisine ; pas de la transformer en piscine », « oh la la, ca te ne va pas du tout cette robe. Mais comment fait tu pour
choisir les vetements les plus moches possible ? » , etc, etc..
Ce type de messages va engendrer d’une part une faible estime de soi chez Lilou et d’autre part le
besoin de se rendre utile. Et ces 2 tendances vont s’autonourrir. La faible estime de soi fera ressentir
à Lilou le besoin de se rendre utile. Et une fois qu’elle se sentira utile, cela lui donnera l’impression
(momentanément malheureusement) de gagner un peu d’estime d’elle, et du coup peu de temps
apres elle ressentir à nouveau le besoin de se rendre utile, etc, etc..
Et du coté de Kevin ?
Kevin, depuis son plus jeune âge, se sent exclu. Cela peut être lié à un petit frère, ou une petite sœur, qui est le préféré de papa maman. Ou bien un divorce. Ou bien un père inconnu. Ou un abandon à la
Dass. Ou bien, rien de tout cela, mais des parents tellement occupés par leur travail, qu’ils n’apportent pas à Kevin l’attention dont il a besoin. Kevin manque d’amour, de reconnaissance. Il se
sent délaissé. Inexistant. Il va ressentir ce manque d’une manière telle, que son unique but dans la vie sera de trouver une personne qui sera à ses coté éternellement. Il rêve de former une équipe soudée, un clan indestructible. Comme Kevin a beaucoup souffert, c’est quelqu’un de sensible, qui sait percevoir les douleurs des gens.
Voilà. Nous avons déjà les ingrédients principaux, qui feront que Kevin sera violent avec Lilou, et que Lilou n’arrivera pas à se détacher de Kevin.
Continuons…
Lilou est habituée à s’occuper des autres. C’est ce qu’on lui a appris, et c’est ce dont elle a besoin
pour vivre.
Kevin est Lilou sont dans la même classe, au lycée. Ils ne font pas tellement attention l’un à l’autre,
car tous deux sont timides. Un jour, Kevin est moqué par des camarades de classe. Lilou ne peut pas
s’empêcher de prendre la défense de Kevin, elle déteste l'injustice. Ce petit geste, provoquera un
déclic dans le cerveau de Kevin. « Et si c’était elle ? » Kevin va observer Lilou, et apprécier ses gestes
protecteurs. « Voilà quelqu’un qui ne me laissera jamais tombé ». Il va penser que Lilou est à
l’opposé de ses parents, qui ne lui accordaient pas d’attention. Lilou de son coté apprécie la partie
sensible de Kevin, elle a l’impression qu’ils se comprennent. Quand ils parlent ensemble ils arrivent à
aborder des sujets intimes. Lilou se sent bien avec Kevin, et Kevin est admiratif de Lilou.
Un jour, Kevin se lance, il dit à Lilou à quel point il l’aime, à quel point il veut qu’ils soient ‘toute leur
vie ensemble’, il veut quelque chose de sérieux, il sera à ses cotés, et attend qu’elle aussi soit à ses
cotés (oupsss..). Lilou entend exactement ce dont elle a besoin : un soutien constant. Mais ce qu’elle
ne sait pas, c’est que Kevin vient de lui assigner une misson, dont elle sera responsable toute sa vie:
le rendre heureux.
Quelques années plus tard, Lilou et Kevin se marient. Ils sont tous les 2 sur un petit nuage le jour du
mariage. C’est le plus beau jour de leur vie. Ils se sont trouvés. Ils se sentent bien. Et ils n’ont aucune
conscience du fait qu’ils ont juste emboité leurs 2 névroses, complémentaires.
Quelque temps plus tard, Lilou va faire une remarque qui va blesser Kevin. Elle n’a pas fait attention,
elle était stressée, et elle lui a parlé de manière un petit peu violente. Kevin, qui est très sensible, va
le prendre mal. Et va lui répondre encore plus mal. « Tu déconnes ou quoi ? Tu me parles
autrement ? Ne recommence pas ». Lilou ne sait pas quoi répondre. Elle ne reconnait pas son Kevin,
si attentionné d’habitude. Comme elle a une faible estime d’elle, non seulement, elle ne trouve pas
les mots, mais surtout ,elle va se rendre coupable de ce qui vient de se passer. Ca tombe bien
puisque pour Kevin c’est aussi elle la coupable. « Elle a pour mission de me rendre heureux, de faire
l’inverse de mes parents, et voilà qu’elle aussi, me délaisse. Ca ne va pas se passer comme ca, il faut
que je la remette dans le droit chemin ».
Et voilà comme la violence va progressivement s’installer. Un jour, une claque survient. Lilou est sous
le choc. Mais Kevin va s’excuser « je ne voulais pas, c’est parti tout seul ». Le manque d’estime de soi
va paralyser Lilou, et le mécanisme du cerveau terminera de la paralyser. Le cerveau a besoin de 3
jours pour comprendre un nouvel évènement. Et comme, 3 jours après la baffe, Kevin s’est excusé le
cerveau dira à Lilou : « il a pas très bien agi, mais il s’est excusé il a compris qu’il ne fallait pas qu’il
recommence, tout va bien ». Faux. Il s’est excusé sur la conséquence, mais pas sur la raison. Il
recommencera évidemment. Du coté du cerveau de Kevin c’est « Lilou a mal agi, bon, j’y suis allé un
peu fort, mais il fallait que je fasse quelque chose pour la remettre dans le droit chemin. J’ai bien fait
d’agir. Bon, la prochaine fois je claquerai un peu moins fort, là, j’étais embeté, ca a fait une marque
rouge. Mais, il n’y aura pas de prochaine fois, elle a compris qu’elle devait prendre soin de moi, elle
ne recommencera plus. D’ailleurs, si elle reste avec moi, c’est qu’elle a compris que j’avais eu raison
de la corriger. ».
Un homme violent qui est violent avec sa femme, dans son esprit, il se défend d’une agression. En
clair, il ne se vit pas violent. Il a vécu la remarque de sa femme comme violente, et il s’est
simplement défendu. Bon, il n’a pas mesuré sa force, donc il s’excuse d’y être allé un peu fort, mais
en aucun cas il ne s’excuse d’avoir réagi. Alors que quand la femme entend les excuses de son mari,
elle pense qu’il a compris qu’il ne devait pas agir de la sorte. Et, comme elle est très attachée à cet
homme, qui lui fait des tas de compliments, elle n’arrivera pas à le quitter.
Vous l’avez compris, Kevin va devenir de plus en plus violent. Dans son esprit, il faut absolument que
sa femme redevienne comme avant, la femme attentive et aimante qu’il a connu. Dans l’esprit de
Lilou, comme elle souffre car elle se fait violenter, elle n’arrivera plus à être aussi attentive qu’au
début. Donc Kevin devra la frapper plus fort pour qu’elle comprenne, etc, etc…
Malheureusement, les femmes, et les hommes ne se rendent pas compte de ces mécanismes
psychologiques. Ils pensent tous les 2 avoir raison. Ils sont dépendants l’un de l’autre et se détruisent
mutuellement. L’attention que Kevin apportait à Lilou va fonctionner comme une drogue, Lilou sera
addict de Kevin et n’aura aucun moyen de quitter Kevin.
Je vais faire une parenthese
Je suis personnellement horripilée de voir que ces mécanismes psychologiques ne soient pas
enseignés dans les collèges. Cela éviterait bien des souffrances. J’ai moi-même été victime de
violence conjugale. J’ai fini par quitter mon mari car il menaçait de tuer notre fils (curieusement je
me rendais plus compte du danger pour notre fils, alors que je ne le quittais pas alors qu’il avait
essayé à 2 reprises de me tuer) ; et il s’est suicidé quelques mois après mon départ. Il y a des tas
d’associations qui militent contre la violence conjugale, alors qu’il est extrêmement difficile de s’en
sortir, mais qu’il est facile de ne pas y rentrer, une fois qu’on a les connaissances. Bon, je ferme la
parenthèse.
Que faire concrètement ?
Ah… nous y voila…
Si vous êtes victime de violence conjugale :
- vous faites des activités avec des personnes autres que votre mari. Vous trouvez un épanouissement dans une nouvelle activité, avec de nouveaux amis. Cela vous permettra de vous détacher un petit peu de l’emprise de votre mari
- vous suivez un accompagnement ‘Gagner en estime de soi’. Il existe des psychologues et des coachs très bien. Vérifiez leurs compétences évidemment.
- Vous essayez de considérer le passé de manière la plus neutre possible. Cela peut paraitre fou, mais plus vous en voudrez à votre mari, plus vous aurez envie de ‘le changer’, et plus il vous manipulera à nouveau. Pour cela évidemment, il est nécessaire de faire traiter ses traumatismes, là encore, auprès d’un psychologue compétent.
- Vous vous faites accompagner par une personne qui a subi des violences conjugales, et qui s’en est sorti, vous essayez de profiter de la vie, etc, etc..
C’est plus difficile, car de votre coté, tout se passe bien, vous ne faites que corriger quelqu’un qui ne fait pas ce qu’elle devrait faire.
- vous vous faites accompagner par un psychologue, pour traiter le sentiment d’abandon. Là encore, accompagnement par un professionnel, qui pourra utiliser des techniques types EMDR, EFT
- vous devez réussir à imaginer que vous pouvez être heureux, meme dans un couple ou la femme est libre à tout moment de vous quitter. Prendre votre autonomie. Vous n’avez pas eu les parents dont vous aviez besoin mais vous devez le compenser par une aide psychologique, et non par votre femme. Elle n’est pas là pour remplacer vos parents.
Evidemment, vous pouvez intervenir, mais, ne vous leurrez pas, ce n’est pas pour autant que la violence conjugale s’arrêtera.
Vous pouvez dire à la personne violentée, que, si un jour elle a besoin d’un témoignage, vous serez là pour elle, vous le ferez. Même si vous devez témoigner devant un juge. Il est très important, pour la victime, de se sentir épaulée, pour le moment où elle se sentira prête à agir.
Vous pouvez aussi aider les gens à faire des prises de conscience, que ce soit en partageant des articles traitant de ce phénomène, ou bien en les encourageant à voir un psychologue.
Cet article a pour but de rendre simple et clair le mécanisme de la violence conjugale. Il se peut que vous pensez qu’il est trop simpliste, mais cela est fait expres..